PAYS : Sénégal
ANNEE : 2000
VILLE : Sindia
TITRE : Un taxi brousse hors normes
Nous sommes en Afrique et plus précisément à Popemguine sur la Petite Côte à environ 70kms au sud de Dakar.
Cela fait quelques jours que nous sommes là et avons fait connaissance avec certains habitants de cet agréable village côtier épargné par les touristes de tout poil.
Ce matin Kébé qui dirige avec sa sœur le « bureau de téléphone » du village doit se rendre à Sindia, autre village situé à une dizaine de kilomètres.
Il nous propose d’aller avec lui, de façon à ce que nous découvrions l’endroit.
Nous acceptons avec plaisir sa gentille invitation.
Somptueux paysage
Des deux côtés de la piste se trouvent de gigantesques baobabs épars, arbre symbole du Sénégal dans lequel sont censés vivre les esprits des ancêtres, on aperçoit également de véritables cathédrales érigées par de multiples colonies de termites.
Pas de doute, ce spectacle aussi spectaculaire que majestueux nous confirme, s’il en était besoin, que nous sommes bien en Afrique.
Arrivés à Sindia une trentaine de minutes plus tard (piste), Kébé nous dépose en « Centre-ville », et repart au volant de sa vieille 504 brinquebalante.
Il doit être 10h30, la chaleur commence à se faire fortement ressentir, chemin faisant, nous découvrons que Sindia est bien plus qu’un village, elle semble relativement étendue.
En fait cette petite ville est située sur l’axe principal qui relie Dakar et le Nord du pays avec le Sud jusqu’au Delta du Saloum.
Comme dans de nombreux autres lieux au Sénégal, une multitude de commerçants sont installés sur le bord de la chaussée et ont une fâcheuse tendance à « gagner » quotidiennement quelques dizaines de centimètres sur la route.
Ceci jusqu’à ce que l’étroitesse de la voie gène carrément la circulation et que les autorités les prient gentiment de regagner leur emplacement initial.
Il est l’heure de déjeuner
Vers midi, nous optons pour quelques beignets de poisson proposés par une commerçante installée sur une petite place entourée de bâtiments de couleur ocre.
Son stand est composé d’une friteuse reliée à une bouteille de gaz, d’une table de camping ou elle confectionne ses beignets, elle les cuit à la demande.
Plus tard, après avoir flâné dans Sindia, nous décidons de rentrer à Popemguine, et c’est là que les choses se compliquent…
Je dois reconnaitre qu’en raison de la proximité de notre port d’attache, nous ne nous sommes pas vraiment préoccupés du retour, nous aurions dû…
Renseignements pris, on nous indique que nous devons nous rendre à la gare routière, que là nous trouverons tous les moyens de locomotion possibles, et arrivés sur place, nous comprenons que c’était un euphémisme.
Des petits bus, des grands bus, des voitures, des motos etc… Tous les moyens de locomotion y sont présents et n’attendent que nous, du moins c’est ce que l’on croit.
Après avoir demandé à une bonne dizaine de conducteurs de véhicules aussi divers que variés, nous devons nous rendre à l’évidence, personne ne va à Popemguine !
Là, la situation se complique…
C’est alors que passe devant nous un gars tenant un feuille A4 en main sur laquelle est mentionné « Popemguine », nous avançons vers lui et lui demandons confirmation.
« Vous pouvez nous amener à Popemguine ? »
« Bien sûr toubab, suis-moi je t’emmène à la voiture »
En ce genre de circonstance il convient de demander le prix avant, c’est ce que nous faisons, et sommes agréablement surpris du tarif, et pour cause…
Après avoir cheminé de nouveau entre les bus et autres véhicules, nous arrivons à côté dune 404 Peugeot bâchée qui est hors d’âge, et c’est empreint d’une certaine fierté que notre interlocuteur nous la désigne.
404 ou pas, l’important est de trouver un véhicule pour rentrer, nous n’allons tout de même pas faire la fine bouche, en plus ce n’est pas vraiment le genre de la maison.
La voiture est vide, la partie arrière est constituée d’un plateau bâché, présentant un bac de chaque côté, plus deux autres accolés au centre.
Pas au bout de nos surprises !
Nous ne comprenons pas bien cette configuration, mais nos interrogations vont être bientôt levées…
Le chauffeur nous demande de nous « installer » à l’arrière, ce que nous faisons.
Puis l’attente commence, 15mn, 30mn, un couple arrive chargé de sacs de provisions, ils s’installent à leur tour, nous engageons la conversation.
« Vous habitez à Popemguine ? »
« Oui toubab, j’y suis même né il y a plus de 40 ans »
« Vous savez à quelle heure nous allons partir ? »
« Quand le ‘ taxi ‘ sera plein, mais ça va aller vite, le bus de M’Bour ne va pas tarder à arriver, nous sommes la… correspondance »
Un quart d’heure supplémentaire passe, puis un important groupe s’approche du véhicule, des hommes, des femmes, des sacs, des corbeilles en osier, il y en a même un qui dirige 3 chèvres vers le véhicule !
Et là, nous assistons à un spectacle que nous n’imaginions même pas, tout le monde embarque dans la 404, on se serre, on s’entasse, on se compresse, les deux bancs latéraux et les centraux sont recouvert d’un amalgame de passagers dont nous sommes.
L’homme aux chèvres nous épargne… ouf !
Seul l’homme aux chèvres continue son chemin, ce qui est pour nous un immense soulagement.
Ça y est, tout le monde semble installé, face à moi une Mama qui doit bien faire ses 200 livres, me fait un grand sourire amical, je lui rends tout en m’efforçant de dissimuler ma grimace car elle me compresse littéralement le pied, et elle comme moi sommes dans l’impossibilité de bouger !
Le moteur démarre, une multitude de cliquetis se font entendre, nous nous regardons et sommes persuadés que les chances d’arriver à destination sont minces, bien minces.
Je profite de cet instant pour faire un rapide comptage des passagers, et là je m’y reprends à deux fois tellement le total semble surréaliste !
17 dans une 404 !
A l’avant, dans la cabine le chauffeur plus 3 passagers, nous en sommes à 4, et à l’arrière pas moins de 13 personnes, ce qui porte le total à 17 dans une… 404 !!!
Inutile de préciser que nous goutons beaucoup moins les splendeurs du paysage que nous avons pu le faire à l’aller.
Les trous et autres bosses de la piste n’arrangent pas les choses, Flo est littéralement compressée entre un passager et moi, pour ma part je commence à souffrir sérieusement du pied qui est toujours écrasé, et vu le contexte il n’y a rien à faire si ce n’est d’attendre l’arrivée.
Nous devons être à 2 ou 3 kilomètres de Popemguine lorsque le moteur commence à avoir des ratés, il hoquette, tousse, cliquette, à travers la petite vitre je peux apercevoir le chauffeur qui tire nerveusement sur le « Starter » manuel.
Et ça repart !
Il aura fallu plus de 30 minutes pour arriver, et là c’est une véritable délivrance, les passagers descendent et nous sommes enfin décoincés.
Nous sautons du véhicule, je ne sens plus mon pied, mais nous pouvons enfin nous mouvoir à notre guise.
Nous remercions le chauffeur, saluons nos compagnons de souffrance et rentrons au bercail.
Cette expérience de taxi brousse restera pour toujours dans nos mémoires, par la suite nous avons veillé à nous renseigner avant de nous aventurer sur les pistes Sénégalaises.
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