PAYS : Sénégal
ANNEE : 2000
VILLE : Piste entre Thiès et Nguekokh
TITRE : Le bal des hyènes
Après avoir traversé le fleuve Sénégal, nous sommes entrés dans le pays ce matin, notre destination est Guéréo, village de la « Petite Côte » entre Dakar et la Somone, endroit qui n’a rien, mais alors absolument rien de touristique.
Depuis notre arrivée au Sénégal, nous remarquons que dans chaque village traversé règne une certaine effervescence, les élections en sont sans doute la cause.
Mais au fur et à mesure que la journée se déroule, l’excitation des électeurs/manifestants (selon leur bord) semble croitre.
À tel point que l’on commence à s’inquiéter lorsque nous devons nous frayer un chemin à travers la foule, et certains regards appuyés nous démontrent clairement que nous ne sommes pas les vraiment bienvenus.
Ça commence à chauffer !
Plus nous approchons de Thiès, plus les manifestants dans les villages sont nombreux et démonstratifs, certains commencent visiblement à s’alcooliser…
Vu la tension qui semble monter crescendo, et ne connaissant pas le pays, nous commençons à nous sentir vulnérable, peut-être serait-il judicieux d’éviter de nous diriger vers Dakar.
Après avoir longuement cheminé sur la N2, traversé Saint Louis, Louga et Diama, nous arrivons tant bien que mal à Thiès, il fait nuit…
Deux options s’offrent à nous, soit prendre plein Ouest direction Dakar, soit prendre plein Sud et contourner la « Réserve de Bandia », pour ensuite nous diriger vers la côte.
Nous optons pour cette seconde solution.
Il ne faudra parcourir que quelques kilomètres pour nous rendre compte que nous nous trouvons désormais sur une piste, qui va bien vers le sud, mais une piste tout de même. (Nous sommes en 2000, cela a du changer depuis).
Là, nous n’avons plus qu’une carte « routière » et le magnifique ciel étoilé Africain pour nous guider.
Il va de soi que nous avons encore réduit la vitesse, 20/25km/h et 30/40km/h quand tout va bien, car vu l’état de la piste, il n’est vraiment pas question de risquer un quelconque problème mécanique.
Nous parcourons ainsi une vingtaine de kilomètres, la position des étoiles semble indiquer que nous sommes sur la bonne voie, c’est-à-dire en direction du Sud.
Mais Flo est quelque peu perplexe, et s’interroge sur notre position réelle, je la rassure du mieux que je peux.
Des gens qui « fument » !
Une dizaine de kilomètre plus loin, Flo me dit « Regarde il y a des gens qui fument là-bas, on devrait leur demander où nous sommes exactement ».
Jetant un coup d’œil sur « les gens », je poursuis sans m’arrêter…
« Pourquoi tu ne t’es pas arrêté ? »
« Je pense qu’il ne vaut mieux pas »
À peine quelques kilomètres plus loin, Flo s’exclame « Là… des gens, arrêtes-toi ! »
Je poursuis sans lui répondre…
« Ne me dis pas que tu as peur de t’arrêter demander le chemin à ces gens ! »
Là, je comprends que si je ne règle pas le problème de suite, cela risque de durer jusqu’à l’arrivée !
« Peur des gens, non, pas du tout, en revanche peur des meutes de hyènes que tu prends pour des gens depuis tout à l’heure, alors là, OUI ! »
La surprise !
Flo me regarde interloquée…
« Des hyènes ? Mais ce sont des gens qui fument, non ? »
J’arrête la voiture, allume le plafonnier et regarde Flo.
« Comment sais-tu que ce sont des gens ? Tu les vois ? »
« Non mais je vois qu’il y en a plein qui fument et la nuit ça se voit ! » Me dit-elle d’un air convaincu »
« L’incandescence de ces supposées cigarettes est en réalité la lumière des phares de la voiture, qui se reflète dans les yeux des multiples hyènes que nous avons croisées depuis Thiès »
Flo me regarde l’air horrifié.
« Tu… tu en es sûr ? »
« Absolument certain ! Ce n’est vraiment pas le moment de descendre de voiture pour demander son chemin, car dans ce cas il s’arrêterait sans doute ici ! »
Je n’ai même pas le temps de finir ma phrase qu’une de nos « joyeuses amies », visiblement plus hardie que les autres membres de sa troupe, se met à traverser lentement la piste, à peine une dizaine de mètres devant la voiture.
Il est grand temps de s’en aller de là
« Partons vite de là ! » me lance Flo.
Bien entendu, je ne me fais pas prier, je démarre lentement en espérant encore plus qu’auparavant de ne pas tomber en panne…
Plus tard, nous rejoignons enfin la nationale, puis la quittons à nouveau pour rejoindre enfin Guéréo via Rhazabe.
Après un périple de plus de 4500 kms et 17 jours de voyage, nous voici enfin arrivés à destination.
Nous avons eu là, une première démonstration que lorsque l’on se trouve dans un pays lointain et inconnu, il est de bon ton d’oublier ses vieilles certitudes, en effet ce n’est pas parce que l’on ne rencontre pas de hyènes la nuit sur le Côte basque, que cela ne peut arriver ailleurs…
Ce dont j’étais (très) loin de me douter, c’est que quelques semaines plus tard j’allais vivre une expérience similaire, mais seul et à pied cette fois…
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